Au siècle précédent, un artiste digne de ce nom devait au moins une fois dans sa vie quitter une chambre d’hôtel en laissant derrière lui un mobilier en ruine et des groupies comateuses enroulées dans des draps imbibés de champagne.
Trop court ! Trop court ! Je l’avais vu quelques années plus tôt, on disait « il est prometteur ».
Dans une chambre du Magic Hall, vendredi dernier, l’artiste a pris soin d’enlever ses chaussures avant de s’installer sur le lit, transformé pour l’occasion en mini-scène douillette, avant de pianoter sur une tablette à gros boutons lumineux qui faisait penser à un jeu électronique des années 1980 (à l’époque donc où les rock-stars cassaient frénétiquement du mobilier). La dizaine de spectateurs du concert intime de Maël ont goûté ce mini-set assis par terre. Et j’ai eu la preuve qu’ils étaient dans le bain quand ils ont commencé à ramasser leur smartphone et à arrêter de prendre des photos. La silhouette d’un mètre quatre-vingt-seize qui n’a pas rencontré le soleil estival jouait, tranquille, dans son tee-shirt à rayures et je crois pouvoir dire que tout le monde se sentait bien.
Représentation finie, je quittai le cocon mat et blanc de la chambre d’hôtel, rejoignis le rez-de-chaussée ou je pus vérifier que l’ambiance du début de soirée s’était amplifiée sans devenir lourdingue. Le temps d’une bière en terrasse où Viviane me confia son addiction secrète pour la danse, j’assistai à la fin du concert du beatboxeur Saro. Trop court ! Trop court ! Je l’avais vu quelques années plus tôt, on disait il est prometteur. Ouais. Dire d’un artiste qu’il est prometteur est comme tomber amoureux d’un chiffre imprimé sur une boule de loto en espérant le voir sortir en premier. Vendredi soir, Saro n’était pas prometteur, il était bon. Et le jeune garçon nous laissa dans les jambes une armée de petites fourmis en Stan Smith dorées prêtes à tuer pour trouver un dancefloor.
Fin de soirée. J’en voulais un peu plus. Quelques minutes encore, président ! La frustration est mon baromètre, I’m from Rennes continue… Cool.
Raoul Kalin